Blog entrepreneur Aides et salariés Non-respect des horaires de travail : quelles sont les sanctions possibles ?

Non-respect des horaires de travail : quelles sont les sanctions possibles ?

Retards répétés, pauses prolongées, départs anticipés ou simple désinvolture vis-à-vis des horaires définis dans le contrat de travail… Dans le quotidien d’une entreprise, ces écarts peuvent paraître mineurs. Pourtant, ils peuvent rapidement se transformer en source de tensions internes, voire en contentieux si l’employeur ne réagit pas de manière adaptée. Dans un contexte de généralisation du télétravail, de flexibilité accrue et de remise en question du présentéisme, le respect des horaires de travail reste un pilier essentiel du cadre contractuel, aussi bien pour préserver l’équilibre collectif que pour garantir la confiance dans l’organisation. Alors, comment réagir face à un non-respect des horaires de travail par un salarié ? Quelles sont les sanctions légales possibles ? Dans quels cas peut-on parler de faute grave ? Et surtout, comment prévenir ce type de dérive sans basculer dans une gestion autoritaire ? Dans cet article, nous faisons le point, de manière claire et documentée, sur ce que dit le droit, ce que permet l’employeur, et ce que risquent les salariés qui ne jouent pas le jeu.

Que recouvre réellement la notion d’horaires de travail ?

Avant de parler de sanctions ou de fautes, encore faut-il s’assurer que les règles du jeu sont bien posées. Et cela commence par une compréhension claire de ce que sont les horaires de travail… et de ce qu’on entend par « temps de travail effectif ».

Le cadre légal : qu’est-ce que le temps de travail effectif ?

Selon le Code du travail, le temps de travail effectif en France correspond à « la période pendant laquelle le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ».

Cela signifie que, pour être comptabilisé comme du travail :

  • le salarié doit être présent sur le lieu de travail (ou connecté, en cas de télétravail),
  • il doit être disponible et à l’écoute des instructions de son supérieur,

il ne doit pas être en pause, en déplacement personnel ou inactif.

Horaires fixes, variables, annualisés : plusieurs cas de figure

Tous les contrats ne prévoient pas les mêmes obligations horaires :

  • Horaires fixes : souvent définis dans le contrat de travail ou le règlement intérieur (ex. : 9h-17h).
  • Horaires variables : plus souples, ils permettent au salarié de choisir ses heures dans certaines plages.
  • Forfait jours : pour les cadres autonomes, on ne raisonne pas en heures mais en nombre de jours travaillés par an.
  • Temps partiel : le respect strict des horaires devient encore plus crucial pour éviter les abus ou le travail dissimulé.
  • Télétravail : l’horaire doit rester formellement encadré, même si le lieu change.

Dans tous les cas, le salarié est tenu de respecter les plages horaires définies, sauf accord spécifique ou modification contractuelle validée.

Présence ≠ productivité… mais la présence est contractuelle

Il est tentant de penser que tant que le travail est bien fait, peu importe les horaires. C’est un raisonnement fréquent en startup ou en télétravail. Mais le contrat de travail lie le salarié et l’employeur aussi sur un plan horaire. Sortir de ce cadre sans autorisation préalable constitue donc un manquement — même en cas de performance.

Le respect des horaires n’est pas qu’une question d’organisation : c’est une obligation contractuelle, et son non-respect peut entraîner des conséquences réelles, comme nous allons le voir dans la partie suivante.

Le non-respect des horaires de travail : une faute professionnelle ?

Tous les retards ne se valent pas, et tous les écarts ne justifient pas une sanction. Pour autant, le non-respect des horaires de travail peut bel et bien constituer une faute, notamment lorsqu’il est répété ou injustifié.

Retard ponctuel vs comportement répété : la notion de proportionnalité

Un retard occasionnel (bouchons, problème de transport, enfant malade…) n’a pas la même portée juridique qu’un comportement récurrent. Les juridictions du travail tiennent compte :

  • du caractère isolé ou répété du manquement,
  • de la durée des retards,
  • de la bonne foi du salarié (a-t-il prévenu ? s’est-il excusé ?),
  • de l’existence ou non d’un avertissement préalable.

En droit du travail, la faute est caractérisée par l’intention de ne pas respecter ses obligations. Autrement dit, ce n’est pas la ponctualité absolue qui compte, mais le respect de l’engagement pris avec l’entreprise.

Faute simple, sérieuse ou grave : quelles différences ?

Le non-respect répété des horaires peut être qualifié de :

  • Faute simple : justifie un avertissement ou une sanction légère.
  • Faute sérieuse : permet un licenciement avec préavis, si les retards perturbent l’organisation.
  • Faute grave : si les absences désorganisent l’entreprise ou nuisent gravement au bon fonctionnement (absence prolongée, horaires complètement aléatoires sans justification, refus d’appliquer les consignes horaires…).

La faute grave peut alors justifier un licenciement sans indemnités ni préavis. C’est une mesure extrême, mais légitimée par les tribunaux en cas d’abus manifeste.

Le cas particulier du télétravail : attention aux zones grises

Avec le télétravail, de nouveaux défis émergent :

  • Comment contrôler les horaires sans tomber dans la surveillance abusive ?
  • Comment prouver qu’un salarié est en retard… quand il travaille à distance ?

Ici, la rigueur contractuelle joue un rôle clé : les plages horaires doivent être définies noir sur blanc (dans l’avenant télétravail ou le règlement intérieur), et l’entreprise doit se doter d’outils de suivi adaptés.

Le salarié a aussi des droits

L’employeur ne peut pas modifier unilatéralement les horaires de travail s’ils sont contractuels. Il ne peut pas non plus sanctionner un salarié qui conteste une modification injustifiée ou qui exerce son droit à la déconnexion.

La liberté individuelle du salarié, notamment en dehors des heures contractuelles, reste protégée. D’où l’importance, pour l’employeur, de poser un cadre clair et équilibré dès le départ.

Quelles sanctions peut envisager l’employeur ?

Face à un salarié qui ne respecte pas les horaires fixés, l’employeur ne peut pas agir à l’intuition ou à l’émotion. Il doit suivre une procédure disciplinaire encadrée par le droit du travail, en respectant le principe de proportionnalité entre la faute et la sanction.

Une échelle de sanctions graduées

Voici les principales mesures disciplinaires possibles, dans l’ordre croissant de gravité :

  1. Le rappel à l’ordre : verbal ou informel, il vise à alerter le salarié sans trace écrite.
  2. L’avertissement : sanction écrite, notifiée par courrier ou remise en main propre. Il sert de signal d’alerte officiel.
  3. La mise à pied disciplinaire : suspension temporaire du contrat de travail, sans rémunération. Elle doit être justifiée et limitée dans le temps.
  4. Le licenciement pour motif personnel :
  • Faute simple ou sérieuse : retards fréquents nuisant à l’organisation.
  • Faute grave : refus répété d’appliquer les horaires, désorganisation manifeste, insubordination.

Attention : aucune sanction ne peut être prise sans respecter la procédure légale.

Ce que dit la loi sur la procédure disciplinaire

Tout salarié a droit à une procédure contradictoire :

  • Convocation à un entretien préalable (lettre remise en main propre ou par recommandé).
  • Délai minimum de 5 jours ouvrés entre la convocation et l’entretien.
  • Entretien avec possibilité pour le salarié d’être assisté.
  • Notification écrite de la sanction dans un délai d’un mois maximum après l’entretien.

En cas d’oubli, de précipitation ou d’irrégularité, le salarié peut contester la sanction devant les prud’hommes, même s’il était objectivement en tort.

L’équilibre à trouver pour l’employeur

Il est essentiel que la sanction soit :

  • Proportionnée à la gravité du comportement,
  • Cohérente avec la jurisprudence et les usages de l’entreprise,
  • Individualisée : deux cas similaires ne justifient pas toujours la même réponse, selon l’historique du salarié.

Par exemple, sanctionner un salarié ponctuel pendant 10 ans qui arrive en retard deux jours de suite pourrait être jugé excessif par les prud’hommes.

Comment prévenir les conflits liés aux horaires ?

Plutôt que de sanctionner, mieux vaut prévenir les dérives. Pour cela, plusieurs leviers simples peuvent être activés.

D’abord, il est essentiel de clarifier les règles dès l’embauche : les horaires doivent être précisés dans le contrat de travail, et si besoin dans le règlement intérieur ou une charte interne. En télétravail ou en horaires aménagés, la souplesse ne doit pas se faire au détriment de la transparence.

Ensuite, le recours à des outils de suivi du temps de travail (badgeuse, logiciel RH, tableaux de pointage) permet d’objectiver les situations, de détecter les écarts récurrents et de réagir avec justesse. Ces outils apportent également une protection juridique à l’employeur en cas de contentieux.

Enfin, le dialogue reste un levier fondamental. Avant de sanctionner, il peut être utile d’échanger avec le salarié. Un retard fréquent peut parfois révéler une difficulté personnelle, une surcharge ou une incompréhension organisationnelle.

En combinant cadre clair, outils adaptés et posture managériale ouverte, on réduit considérablement les risques de conflits liés aux horaires.

Rigueur, clarté et bon sens avant tout

Le non-respect des horaires de travail n’est pas un détail administratif : c’est un manquement aux obligations contractuelles, qui peut avoir des conséquences sérieuses pour le salarié comme pour l’employeur.

Face à un tel comportement, l’entreprise doit réagir de manière encadrée, en respectant la gradation des sanctions et les règles de procédure. Mais elle doit aussi s’interroger sur son propre cadre de fonctionnement : les horaires sont-ils clairs ? Les outils de suivi sont-ils fiables ? Le dialogue est-il possible ?

Sanctionner n’est jamais une fin en soi. L’objectif reste toujours le même : assurer le bon fonctionnement de l’entreprise, tout en maintenant une relation de confiance et de responsabilité mutuelle.

Et si, justement, poser des limites claires permettait à chacun — dirigeants comme salariés — d’évoluer dans un cadre plus sain et plus serein ?